Kuuden portugalilaisen nuoren ilmastovalitus EIT:lle lähetettiin 33 hallituksen vastattavaksi, myös Suomen

30.11.2020 | Oikeusuutiset

Markku Fredman

DUARTE AGOSTINHO ET AUTRES c. PORTUGAL ET 32 AUTRES ÉTATS

QUATRIÈME SECTION

Requête no 39371/20
Cláudia DUARTE AGOSTINHO et autres
contre le Portugal et 32 autres États
introduite le 7 septembre 2020

OBJET DE LAFFAIRE

Les requérants sont des ressortissants portugais âgés de 21, 17, 8, 20, 15 et 12 ans respectivement (voir la liste des requérants et des États défendeurs en annexe). Ils sont représentés devant la Cour par M. Marc Willers, avocat à Londres.

Le 13 octobre 2020, le président de la section IV a fait droit à la demande des requérants à ce que la requête soit examinée prioritairement en vertu de larticle 41 du Règlement de la Cour.

Laffaire porte sur les émissions de gaz à effet de serre émanant de 33 États contractants qui participeraient au réchauffement climatique et se manifestant, entre autres, par des pics de chaleurs qui impacteraient les conditions de vie et la santé des requérants.

Les requérants font valoir que les incendies de forêt que connaît chaque année le Portugal depuis quelques années, notamment depuis 2017, sont le résultat direct de ce réchauffement climatique. Les requérants allèguent être en risque de contracter des problèmes de santé à cause de ces incendies et avoir déjà eu, à la suite ou pendant des incendies de forêts, des troubles du sommeil, des allergies, des difficultés respiratoires, tous exacerbés par les températures très élevées pendant la saison chaude. Pendant les incendies de forêts qui ont eu lieu plusieurs fois par an parfois, ils ont été dans limpossibilité de passer du temps dehors, pour jouer ou pratiquer une activité physique, et les écoles ont été temporairement fermées. Le cinquième et le sixième requérants soulignent que le dérèglement climatique engendre des tempêtes très puissantes en hiver et font valoir que leur maison, se situant à Lisbonne, est très proche de la mer et potentiellement en danger de subir les ravages de telles tempêtes.

Les requérants affirment aussi éprouver de lanxiété face aux catastrophes naturelles telles les incendies de forêt ayant causé la mort de plus dune centaine de personnes, qui se sont déjà produites dans leur voisinage et auxquelles ils ont parfois assisté. Leur anxiété est, de surcroît, liée à la perspective de vivre dans un climat de plus en plus chaud pendant toute leur vie, qui les impacterait eux, et les familles quils pourraient fonder à lavenir.

Les requérants se plaignent du non-respect par ces 33 États de leurs obligations positives en vertu des articles 2 et 8 de la Convention, lus à la lumière des engagements pris dans le cadre de lAccord de Paris sur le climat de 2015 (COP21). Ils se réfèrent plus spécifiquement à lengagement visé par larticle 2 de lAccord, à savoir contenir lélévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2o C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre laction menée pour limiter lélévation de la température à 1,5o C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets du changement climatique.

Les requérants allèguent également une violation de larticle 14 combiné avec les articles 2 et/ou 8 de la Convention, arguant que le réchauffement climatique touche plus particulièrement leur génération et que, compte tenu de leur âge, les ingérences dans leurs droits sont plus prononcées que celles dans les droits des générations précédentes, eu égard à la détérioration des conditions climatiques qui se poursuivra au fil du temps.

Compte tenu de ce que quatre requérants sont des enfants, ils font valoir que les dispositions précitées de la Convention doivent se lire à la lumière de larticle 3 (1) de la Convention des Nations Unies sur les droits de lenfant qui exige que toute décision les concernant soit fondée sur la considération primordiale de lintérêt supérieur de lenfant. Ils se fondent également sur le principe de léquité intergénérationnelle figurant dans plusieurs instruments internationaux, dont la Déclaration de Rio de 1992 sur lEnvironnement et le Développement, le Préambule à lAccord de Paris et la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique de 1992, selon lequel le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à lenvironnement des générations présentes et futures. Ils estiment quil ny a aucune justification objective et raisonnable pour que la charge du changement climatique soit placée sur les jeunes générations du fait de ladoption de mesures inadéquates de réduction de léchauffement.

Les trois premiers requérants se plaignent aussi de la difficulté, compte tenu des pics de sécheresse de plus en plus nombreux, de continuer à cultiver des légumes dans leur potager et dextraire de leau au puit se trouvant sur la propriété de leur famille. Les feux de forêts récurrents ces dernières années ont causé des dégâts sur la propriété de leur famille, notamment à cause des émissions de cendres.

Les requérants considèrent que les États membres ne se sont pas acquittés des obligations qui leur reviennent en vertu des dispositions de la Convention ci-dessus mentionnées, lues notamment à la lumière des traités internationaux en matière de climat. Ces derniers mettent à la charge des États signataires lobligation dadopter des mesures pour réglementer dune manière adéquate leurs contributions au changement climatique :

a)  en diminuant les émissions sur leur territoire et sur les autres territoires sur lesquels ils ont juridiction ;

b)  en interdisant lexportation des combustibles fossiles ;

c)  en compensant leurs émissions résultant de limportation des biens ; et

d)  en limitant le rejet des émissions à létranger.

Ces obligations précises existent alors même que les contributions des États membres au réchauffement se matérialisent en dehors de leur territoire. En vertu de ces obligations, les États doivent mettre en place des mesures concrètes et effectives, dont lévaluation repose sur lanalyse du taux de réduction des émissions obtenu par la mise en place de celles-ci. En lespèce, au vu du dépassement de la cible daugmentation du réchauffement, fixée à 1,5oC daugmentation, les requérants estiment que la contribution des États à cet excès est significative, de sorte que les mesures prises par ces derniers pour le réduire doivent être présumées inadéquates jusquà preuve du contraire.

Labsence de mesures adéquates pour limiter les émissions globales constitue, en soi, selon les requérants, une violation des obligations à la charge des États.

Les requérants estiment que les États membres se partagent la responsabilité présumée en matière de changement climatique et que lincertitude quant au « partage équitable » de cette contribution entre les États membres ne peut jouer quen faveur des requérants.

Ils soulignent lurgence absolue pour agir en faveur du climat et estiment quil est urgent dans ce contexte que la Cour reconnaisse la responsabilité partagée des États et absolve les requérants de lobligation dépuiser les voies de recours internes dans chaque État membre. Devant linaction des Gouvernements, la Cour devrait prendre la défense des requérants et les protéger des menaces qui pèsent sur eux du fait du changement climatique. Une telle approche répondrait à lexigence durgence à agir en vue de respecter la cible de 1,5oC et augmenterait en même temps la probabilité dune réponse efficace de la part des juridictions nationales. À cet égard, les requérants font valoir que des actions en justice ont déjà été menées par des tiers dans plusieurs États membres à cause de lomission de se conformer aux obligations contraignantes de réduction des émissions globales. Certaines de ces actions ont abouti, dautres non, alors que dautres sont toujours pendantes devant les juridictions nationales.

Toutefois, dans une affaire particulièrement complexe comme celle-ci, obliger les requérants, issus de familles modestes et résidant au Portugal, dépuiser les voies de recours devant les juridictions nationales de chaque État défendeur, équivaudrait à leur imposer une charge excessive et disproportionnée, alors quune réponse efficace de la part des juridictions de tous les États membres apparaît nécessaire, puisque les juridictions nationales ne peuvent émettre dinjonctions quà légard de leur propres États.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Les requérants relèvent-ils de la juridiction des États défendeurs au sens de larticle 1 de la Convention tel quinterprété par la Cour, compte tenu, entre autres, des engagements pris du fait de la ratification ou de la signature de lAccord de Paris de 2015 de réduire les émissions polluantes afin de contenir le réchauffement climatique nettement en dessous de 2oC par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre laction menée pour limiter lélévation de température à 1,5oC ?

Plus précisément, les faits dénoncés sont-ils de nature à engager la responsabilité des États défendeurs pris individuellement ou collectivement en raison de leurs politiques et règlementations nationales ou, selon le cas, européennes, visant des mesures pour diminuer lempreinte carbone de leurs économies, y compris du fait des activités menées à létranger (voir, par exemple, Banković et autres c. Belgique et autres (déc.) [GC], no 52207/99, CEDH 2001XII ; Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], no 48787/99, CEDH 2004VII ; et M.N. et autres c. Belgique [GC] (déc.), no 3599/18, 5 mai 2020) ?

 2.  Dans laffirmative, les requérants peuvent-ils être considérés comme victimes actuelles ou potentielles, au sens de larticle 34 de la Convention tel quinterprété par la Cour, dune violation de lun des droits de la Convention invoqués en lespèce en raison des émissions des gaz à effets de serre émanant des 33 États défendeurs ?

 En particulier, les requérants ont-ils subi directement ou indirectement et sérieusement les conséquences de laction insuffisante ou de linaction alléguées des États défendeurs pour atteindre la cible de 1,5oC ci-dessus mentionnée (voir, par exemple, Caron et autres c. France (déc.), no 48629/08, 29 juin 2010 ; Cordella et autres c. Italie, nos 54414/13 et 54264/15, 24 janvier 2019 ; et Aly Bernard et autres et Greenpeace – Luxembourg c. Luxembourg (déc.), no 29197/95, 29 juin 1999)

 3.  En cas de réponse affirmative à la question no 2, y a-t-il eu violation en lespèce des articles 2, 3 et 8 de la Convention, pris isolément et combinés avec larticle 14, ainsi que de larticle 1 du Protocole no 1 à la Convention ?

 En particulier, compte tenu de leur marge dappréciation dans le domaine de lenvironnement, les États défendeurs se sont-ils acquittés des obligations qui leur incombent en vertu des dispositions de la Convention invoquées, lues à la lumière des dispositions et principes pertinents, tels les principes de précaution et déquité intergénérationnelle, contenus dans le droit international de lenvironnement, y compris dans les traités internationaux auxquels ils sont Parties, notamment :

   en adoptant une réglementation appropriée et en lappliquant au moyen de mesures adéquates et suffisantes pour atteindre lobjectif de contenir lélévation de la température à 1,5oC (voir, par exemple, Tătar c. Roumanie, no 67021/01, §§ 109 et 120, 27 janvier 2009, et Greenpeace E.V. et autres c. Allemagne (déc.), no 18215/06, 19 mai 2009) ; et

   en faisant reposer leurs réglementations relatives à latténuation du changement climatique sur des enquêtes et études appropriées assurant la participation effective du public, ainsi que prévu dans la Convention de Aarhus de 1998 sur laccès à linformation, la participation du public au processus décisionnel et laccès à la justice en matière denvironnement (voir, par exemple, Tătar c. Roumanie, no 67021/01, § 118, 27 janvier 2009) ?

http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-206535

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